Carouge jouxte la ville de Genève, dont elle est séparée par la rivière Arve, et fait partie de la République et Canton de Genève depuis 1816. Elle est réputée pour le quartier du « vieux Carouge », qui garde un certain charme et où les terrasses des bistros sont courues lorsque les beaux jours reviennent.
Carouge mesure 2,7 km2[2]. 84,9 % de cette superficie correspond à des surfaces d'habitat ou d'infrastructure, 4,9 % à des surfaces agricoles, 8,7 % à des surfaces boisées et 1,5 % à des surfaces improductives.
Des toponymes latins Quadruvium ou Quatruvio, elle passe en 1248 à Carrogium tandis qu'au XIVe siècle, elle était connue comme Quarrouiz ou Quarroggi. En 1445 est mentionné comme Quaroggio[3].
La commune de Carouge est également surnommée la « cité sarde » du fait de son passé.
Après de longues et laborieuses négociations, les deux parties s'orientent vers un échange de terres. Genève cède 6 973 poses de terres, verse 50 000 écus au royaume et obtient en échange 5 357 poses. Carouge devient sarde. L'accord favorise plutôt la maison de Savoie. Même si Carouge n'est alors qu'un hameau de quelques maisons et auberges, elle se trouve néanmoins dans une situation idéale, de l'autre côté de la rivière, à peine à quelques encablures de la cité[5].
Le développement rapide
Profitant des ressources que lui apporte sa puissante voisine, Carouge se développe rapidement. En 1766, elle compte déjà 36 établissements de vin, industrie florissante, mais aussi contrebandière, qui n'est guère affaiblie par les royales gabelles[6],[7]. C'est toutefois seulement vers 1770 qu'un véritable projet politique et économique voit le jour sous la houlette de Pierre-Claude de La Fléchère, comte de Veyrier, représentant local de la noblesse savoyarde. Cet homme, qui avait fort bien compris la situation géostratégique exceptionnelle du territoire, ne tarde pas à solliciter de Victor-Amédée III des privilèges permettant à Carouge de se développer, notamment en faisant appel à des étrangers[8]. En 1777, Carouge obtient deux foires annuelles et un marché hebdomadaire. Sa population dépasse le millier d'âmes.
Capitale de province sarde
Par l'édit du , Carouge devient la capitale de la province du même nom qui comptabilise environ 37 000 habitants. Le bourg devient rapidement une cité royale et, le , reçoit son blason (un lion au pied d'un arbre) pour être érigée en « ville » par lettres patentes du roi. Sa population dépasse alors les 3 000 habitants[9].
Un îlot de tolérance
La singularité de Carouge réside essentiellement dans la mise en place d'une politique libérale qui est largement appuyée par le pouvoir turinois. Non seulement ce dernier accorde des privilèges particuliers, et uniques dans le royaume, à la cité carougeoise, mais accepte aussi la venue en nombre d'étrangers de toutes origines et appartenances religieuses afin de favoriser l'essor économique de la province.
C'est ainsi que les francs-maçons font leur apparition à Carouge en 1777[10], suivis en 1779 de protestants qui obtiennent la tolérance civile et religieuse en 1783[11]. Enfin, en 1779, des Juifs, originaires d'Alsace principalement, s'installent également[12]. Pierre-Claude de La Fléchère et l'Intendant général Giovanni-Battista Foassa-Friot ont largement contribué à la mise en place de cette politique, plutôt novatrice pour l'époque[13].
Le , Victor-Amédée III proclame un édit de tolérance, permettant notamment aux Juifs de bénéficier de l'application du droit commun et de jouir d'une totale liberté de culte, cas rarissime dans l'histoire de l'Europe[14].
Les francs-maçons auront leur loge, les protestants leur temple et les Juifs leur synagogue, ainsi qu'un cimetière confessionnel (cimetière juif de Carouge) situé le long de l'actuelle rue des Tireurs de Sable.
En 1789, peu avant sa mort, Pierre-Claude de La Fléchère suggère au pouvoir turinois d'accepter la venue à Carouge de musulmans et de leur autoriser la création d'une mosquée[15].
Cette ultime vision du Comte de Veyrier ne verra pas le jour : Carouge, bientôt française, doit abandonner sa politique libérale.
En 1789, les effets de la Révolution française se font sentir. Pour prévenir toute perturbation, la garnison de la ville passe de 144 à 650 hommes. La mesure rassure quelque temps, mais les jours de Carouge la Sarde sont désormais comptés[16]. Le , les troupes françaises en marche pour leur « campagne d'Italie », pénètrent sans résistance dans la province de Carouge et l'annexent au nouveau « département du Mont-Blanc » dont Chambéry est désigné pour en devenir le « chef-lieu », puis au tout nouveau « département du Léman » créé en 1798 dont Genève, elle aussi occupée puis annexée, devient la « préfecture »[17]. Carouge restera ainsi sous occupation française jusqu'à sa libération par les Autrichiens en septembre 1814.
Elle fut « chef-lieu de district » de 1792 à 1795.
Une ville suisse
Après une période mouvementée pendant laquelle Carouge redevient sarde par le traité de paix du , se trouvant ensuite brièvement réoccupée par les Français durant les Cent-Jours du retour de Napoléon, puis à nouveau sarde (après la victoire des Alliés, ennemis de Napoléon, à Waterloo suivie de la reddition et de la capitulation française sans conditions), la ville est finalement cédée par le duc de Savoie roi de Sardaigne à la République et nouveau canton de Genève par le traité de Turin du , ainsi que 19 autres communes du duché de Savoie en contrepartie de la neutralité helvétique sur les zones franches de Savoie. 12 communes françaises[18] seront aussi cédées par la France au nouveau Canton suisse de Genève, mais au titre de dommages de guerre imposés pour ces dernières. Le canton avait rejoint la Confédération suisse à l'occasion des traités de Paris en 1814 et de Vienne en 1815[19]. Cette cession est accompagnée d'une petite zone exempte de douanes sardes. Une des places de Carouge s'appelle d'ailleurs toujours « place de Sardaigne ».
À l’ouest du vieux Carouge, au long du canal des promenades de la Drize, une zone de 50 000 m2 a été classée en 1940 en zone A (deux étages sur rez), dont la ville possédait 32 000 m2. Les premiers projets de constructions échouèrent car le gabarit des immeubles était trop petit pour atteindre un équilibre financier. Les conditions changent avec le vote en 1957 par le Grand Conseil de deux lois sur l’expansion de l'agglomération et le subventionnement des immeubles à loyer modéré. Le conseil municipal décide le de construire la totalité du quartier malgré les importants risques financiers. De 1958 à 1963, cinq tours comprenant 664 logements sont construites par un groupe de sept architectes dont Georges Brera. Une salle culturelle, une poste et une bibliothèque font partie de la surface commerciale de 5 909 m2[20],[21].
Le Conseil administratif (exécutif) est élu tous les cinq ans[a] au scrutin majoritaire, le premier tour devant avoir lieu en même temps que l'élection du Conseil municipal[22]. Il est composé de trois conseillers administratifs[22] et nomme chaque année son président, qui porte le titre de maire, et son vice-président[23]. Les conseillers se répartissent eux-mêmes les dicastères[23].
Le Conseil municipal (législatif) est élu tous les cinq ans[a] au scrutin proportionnel[24] ; la loi cantonale prévoit un seuil électoral (appelé quorum) fixé à 7 %[25]. Composé de 33 membres depuis 2015[26],[b], il est dirigé par un bureau, qu'il élit chaque année en son sein[27] ; celui-ci est composé d'au moins quatre membres (président, vice-président, secrétaire et vice-secrétaire) et d'au moins un membre de chaque groupe représenté au Conseil municipal[28]. Le Conseil municipal institue des commissions chargées de traiter des sujets particuliers (finances, bâtiments, affaires sociales, etc) ; les groupes y sont représentés proportionnellement à leur nombre de sièges (les commissions permanentes sont composées de 15 membres, de même pour les commissions ad hoc)[29].
Membres du Conseil administratif (législature 2020-2025)
L'exécutif de la commune, entré en fonction le , se compose de la façon suivante :
Aménagement, urbanisme, travaux et domaine public Environnement, développement durable, énergie et mobilité Voirie, espaces verts et matériels Finances et promotion économique
Les habitants de la commune s'appellent les Carougeois et leurs sobriquets sont les Léopards, les Hérétiques et les Tourmentés[34].
Démographie
Carouge compte 22 164 habitants au 31 décembre 2022 pour une densité de population de 8 209 hab/km2[1]. Sur la période 2010-2019, sa population a augmenté de 14,5 % (canton : 10,1 % ; Suisse : 9,4 %)[2].
Évolution de la population de Carouge entre 1850 et 2020[35],[1]
L'école Jacques Dalphin de Carouge accueille une statue en bronze du héros de bande dessinées Titeuf, crée par Zep à l'endroit même où il a vu le jour[37].
Carouge est mise en scène l'année de sa fondation dans la pièce L'Orpailleur (1966) de Jacques Aeschlimann[38].
Annexes
Bibliographie
Eusèbe-Henri Gaullieur, Annales de Carouge : notice sur l'origine, l'accroissement de cette ville et ses rapports avec Genève, Genève, J. Cherbuliez, , 300 p.
Raymond Zanone, Cap sur l'histoire de Carouge, Carouge, Mairie de Carouge, , 136 p.
Paul Guichonnet, Carouge, ville royale, Carouge, Comité d'organisation des manifestations du bicentenaire de la ville, , 47 p.
Dominique Zumkeller et Jean-Paul Santoni, Des hommes, une ville : Carouge au XIXe siècle, Carouge, La Ligature, , 203 p.
Bâtir une ville au siècle des Lumières : Carouge, modèles et réalités, Archivio di Stato di Torino et Mairie de Carouge, , 672 p.
Catalogue de l'exposition du bicentenaire de création de la ville
Pierre Baertschi et Isabelle Schmid, Carouge, ville nouvelle du XVIIIe siècle : étude et textes : relevé 1986-1987, Genève, Département des travaux publics/Service des monuments et sites, , 186 p. (ISBN2-8257-0167-X)
Raymond Zanone et Gérald Poussin (préface), Les nouveaux souvenirs d'un gamin de Carouge, Carouge, Slatkine, , 263 p. (ISBN2-05-101470-1)
Jean Plançon, Histoire de la Communauté juive de Carouge et de Genève : volume 1, de l'Antiquité à la fin du XIXe siècle, Genève, Slatkine, , 363 p. (ISBN978-2-8321-0321-0)
Jean Plançon, Histoire de la Communauté juive de Carouge et de Genève : volume 2, 1900-1946, une communauté qui se diversifie, Genève, Slatkine, , 446 p. (ISBN978-2-8321-0406-4)
↑Le nombre de conseillers municipaux est fixé par le Conseil d'État en fonction de la population de la commune. Cf. art. 5 CH, GE. « Loi du 13 avril 1984 sur l’administration des communes », B 6 05, art. 5 et 6. (version en vigueur : 27 mars 2021) [lire en ligne]
↑Eusèbe-Henri Gaullieur, Annales de Carouge, éditions Slatkine, Genève, 1982, p. 33, (réimpression de l’édition de Joel Cherbuliez, Genève, 1857).
↑André Corboz, Invention de Carouge, Payot, Lausanne, 1968, p. 359
↑Les Trois temples, Loge des trois temples à l’Orient de Carouge, 1788-1988, plaquette commémorative – 200e anniversaire de la création de la Loge, Carouge, 1988, p. 15-20. ; reproduite sur le site de la Loge Les Trois Temples.
↑Eusèbe-Henri Gaullieur, op. cit. p. 67 et suivantes.
↑Laurence Leitenberg, Population juive de Carouge de 1780 à 1843, Mémoire de licence d’histoire économique et sociale, université de Genève, 1992, Annexes I et II, Recensement de la population juive
↑Jean Plançon, Histoire de la Communauté juive de Carouge et de Genève, volume 1, de l'Antiquité à la fin du XIXe siècle, Slatkine, Genève, 2008. Cet ouvrage comporte des éléments biographiques sur ces deux personnages.
↑Archives départementales de Haute-Savoie (ADHS), période Sarde, série C, ICI-16, correspondance no 122, lettre du 15 août 1787 du Ministre Giuseppe Corté au Gouverneur général à Chambéry.
↑René-Louis Piachaud, Œuvres complètes, tome II, Slatkine, Genève, 1982, lettre de M. de La Fléchère adressée à son frère M. le Comte de Châtillon le 13 mars 1789, p. 296.
↑Édouard Terrier, « Les tours de Carouge », Habitation : revue trimestrielle de la section romande de l'Association Suisse pour l'Habitat, vol. 36, no 11, , p. 27-34 (lire en ligne, consulté le ).
↑« Quartier résidentiel et artisanal des Promenades de Carouge et de La Praille, Genève », Habitation : revue trimestrielle de la section romande de l'Association Suisse pour l'Habitat, vol. 36, no 11, , p. 35-37 (lire en ligne, consulté le ).
↑Paul Fehlmann, Ethniques, surnoms et sobriquets des villes et villages : en Suisse romande, Haute-Savoie et alentour, dans la vallée d'Aoste et au Tessin, Genève, Jullien, , 274 p. (ISBN2-88412-000-9), p. 22
Gras : Chef-lieu de canton U : Membres de l'union des villes suisses sans pour autant être des villes d'un point de vue statistique C : Communes de plus de 10 000 habitants étant des villes selon l'ancienne définition de 1882, mais pas selon la définition actuelle