Les échinodermes (Echinodermata) sont un embranchement d'animaux marins benthiques présents à toutes les profondeurs océaniques. Les environ 6 500 espèces[2] sont toutes exclusivement marines : on ne connaît aucune espèce terrestre ni d'eau douce. Elles sont actuellement regroupées en cinq classes : les étoiles de mer, les ophiures, les oursins, les concombres de mer et les lys de mer.
Les représentants de ce groupe possèdent des caractéristiques uniques dans le monde animal. Les principales sont une symétrie générale pentaradiée (bien qu'ils restent biologiquement des bilatériens[3]), un squelette externe constitué de plaques osseuses articulées et percées de nombreuses canalicules, et la présence d'un système aquifère. Dans la biodiversité de l'évolution, ils constituent un groupe deutérostomien proche des chordés.
Outre les espèces actuelles, plusieurs milliers d'espèces éteintes d'échinodermes sont recensées par les paléontologues, leur squelette très calcifié permettant généralement une bonne fossilisation. Leurs plus anciennes traces fossiles remontent au Cambrien soit 500 millions d'années d'existence[4].
Caractéristiques morphologiques
Les échinodermes sont des animaux (métazoairestriploblastiques) caractérisés par leur endosquelette dermique (structure appelée « stéréome ») constitué de monocristaux de calcite monoaxiaux[5], formant des spicules (holothuries) ou des plaques, qui peuvent être mobiles (étoiles de mer, ophiures, crinoïdes) ou soudées (oursins, dans ce cas on appelle le squelette le « test »)[6]. De nombreuses espèces sont également hérissées de piquants[4]. Ces pièces squelettiques, quand elles ne sont pas soudées, sont tenues entre elles par un réseau de ligaments composés majoritairement de collagène (plus précisément « MCT », mutable collagenous tissue), dont la rigidité est commandée par influx nerveux ; cela permet aux échinodermes de rigidifier ou de ramollir leur corps à volonté, notamment pour maintenir des positions contractées sans effort musculaire ; cela est particulièrement le cas pour les holothuries, au corps peu calcifié[5].
La caractéristique la plus frappante est la symétrie pentaradiée (symétrie centrale d'ordre 5) pour la plupart des structures de la forme adulte[3] : cela est particulièrement visible sur les étoiles de mer par exemple, mais ce caractère n'est pas toujours aussi manifeste chez toutes les espèces, notamment les concombres de mer ou les oursins irréguliers[3]. Toutefois, leur symétrie interne et les formes embryonnaires, à symétrie clairement bilatérale[7], les rangent aux côtés des chordés dans le groupe des deutérostomiens : ils partagent d'ailleurs avec eux bon nombre de caractéristiques biochimiques[4]. Cette symétrie pentaradiaire est donc secondaire[3], pas toujours complète et ne concerne pas certains organes comme le madréporite, souvent unique.
En plus de se retrouver dans la morphologie générale, leur symétrie pentaradiée se retrouve également dans l'ensemble de l'organisation du corps, depuis le système nerveux jusqu'au squelette calcifié constitué de plaques et d'épines qui entourent et protègent l'intérieur du corps[7]. L'animal ne présente donc généralement pas de face « ventrale » et « dorsale » (typiques des bilatérienschordés) mais une face orale (où se situe la bouche) et une face aborale (où se trouvent généralement l'anus, l'appareil respiratoire et les gonades, ou le pied chez les crinoïdes fixés). Ils n'ont donc pas non plus de « tête » : les systèmes digestif, circulatoire et nerveux sont tous répartis en cinq branches symétriques ramifiées parcourant le corps[8]. Ces 5 éléments radiaires sont appelés « rayons » (comme les bras des étoiles de mer), et peuvent éventuellement être ramifiés (notamment chez les crinoïdes ou les ophiures gorgonocéphales). Ces rayons se développent depuis des plaques oculaires, d'où apparaissent des plaques ambulacraires sur deux rangées alternativement. Ce phénomène est bien visible sur le test des oursins[9].
Leur système vasculaire (appelé Système ambulacraire) est réduit et relativement ouvert, sans organe pulsatile[7]. Ils disposent en plus d'un système aquifère propre à ce groupe, qui assure quelques-unes des fonctions du sang et quelques autres : échanges gazeux, locomotion (par jeu de pression différentielle dans les podia) et nutrition ; il est alimenté par un organe filtreur appelé madréporite[10]. Le système digestif est complet et parfaitement fonctionnel, proche de celui des chordés[11]. Le système nerveux est constitué d'un anneau nerveux autour de la bouche (anneau périoral) d'où partent des nerfs selon une structure radiaire en 5 cordons nerveux (pas de système nerveux central)[4].
Sur le plan développemental, une étude de génétique du développement a montré, sur la base d'une cartographie de l'expression des gènes développementaux, que « du point de vue de la structuration de l'ectoderme, les échinodermes sont des animaux principalement constitués d'une tête », n'exprimant nulle part les gènes typiques des régions postérieures[13].
Les échinodermes sont exclusivement marins : on n'en connaît aucune trace en eau douce, y compris parmi les formes fossiles. Ils peuplent pratiquement toutes les mers ouvertes du globe (ils ont cependant disparu des mers fermées comme la Caspienne), depuis la surface jusqu'aux abysses, et de l'équateur jusqu'aux mers subglaciales[4]. Ils font partie des groupes d'animaux supérieurs les plus représentés dans les profondeurs abyssales, plusieurs espèces de chaque classe étant présentes au-delà de 8 000 m de profondeur, et certaines espèces d'holothuries jusqu'à plus de 10 000 mètres[14]. Ils constituent une part très importante de la faune benthique, et jouent donc un rôle majeur dans les processus biologiques de ces milieux, notamment en ce qui concerne le recyclage des déchets par leurs régimes détritivores ou filtreurs.
Les sexes sont séparés et la reproduction gonochorique, mais il n'existe pas de dimorphisme sexuel. La disposition de l'appareil reproducteur varie selon les espèces : à l'apex (sommet) des oursins et de certaines étoiles, au niveau des pinnules chez les crinoïdes, dans la cavité centrale des holothuries, au niveau des bras pour les ophiures et la plupart des étoiles[8]. La plupart des espèces émettent une grande quantité de gamètes (jusqu'à plusieurs millions d’œufs peuvent être fécondés en une seule reproduction) : le sperme et les ovocytes sont libérés dans le milieu de manière synchrone grâce à un signal phéromonal, et la fécondation a ensuite lieu au hasard dans l'eau. Les larves évoluent ensuite parmi le plancton pendant plusieurs semaines (où elles sont la proie de nombreux planctonivores), subissant des métamorphoses caractéristiques des différentes classes (mais toutes sont encore à symétrie bilatérale)[16]. Arrivées au terme de leur dernier cycle larvaire, elles se rapprochent du fond jusqu'à s'y poser pour entamer leur dernière métamorphose en juvénile, et commencer leur cycle de vie[8].
Les échinodermes, et particulièrement les oursins, ont été très utiles dans la compréhension du phénomène de fécondation, notamment en ce qui concerne les mouvements ioniques lors de la pénétration du spermatozoïde[17],[18].
Certaines espèces ont cependant développé des modes de reproduction particuliers : absence de stade planctonique[19], autofécondation, reproduction par division (chez les étoiles et les holothuries)[20], etc.
Presque tous les échinodermes sont benthiques : cela signifie qu'ils vivent posés sur le fond, à l'exception de certaines rares espèces d'holothuries capables de vivre en pleine eau (comme Pelagothuria natatrix, mais plusieurs autres espèces peuvent nager un moment[21], tout comme certaines comatules[22]).
De nombreuses espèces sont « sessiles », ce qui signifie qu'elles vivent fixées au substrat, où elles se nourrissent en filtrant l'eau : c'est le cas de nombreux crinoïdes et de certaines holothuries (et dans une moindre mesure de certaines espèces des trois autres classes). À l'inverse, les échinodermes capables de se déplacer sont dits « vagiles », et certaines étoiles de mer et ophiures sont capables de mouvements relativement rapides[12].
Pour se déplacer et adhérer à des surfaces dures, les oursins, les étoiles de mer et les holothuries sont pourvus de minuscules « pieds ambulacraires » en forme de tubes mous, munis à leur extrémité de cellules collantes et appelés podia[4],[23]. Ceux-ci peuvent développer une force d'adhérence extrêmement efficace[24], comme chez l'oursin-tortue Colobocentrotus atratus[25].
Alimentation
Les différentes espèces d'échinodermes ont adopté une grande variété de régimes alimentaires. Ils peuvent être des prédateurs carnivores (principalement les étoiles de mer, mais aussi certains oursins et ophiures), charognards (étoiles, oursins et ophiures), brouteurs herbivores (la plupart des oursins), dépositivores (oursins, holothuries, ophiures) fouisseurs (oursins irréguliers) ou encore filtreurs (crinoïdes, holothuries). Leur bouche est généralement très développée et adaptée au régime, avec par exemple des tentacules digités ou ramifiés en fractales pour filtrer le plancton ou le sédiment chez les holothuries[8], un estomac pouvant être dévaginé pour assurer la digestion externe de grosses proies chez de nombreuses étoiles de mer[8], ou encore une puissante mâchoire dentée (appelée « lanterne d'Aristote ») chez les oursins[26].
On constate que le régime suspensivore sessile, qui semble être le plus ancien dans ce groupe, est une caractéristique ponctuellement récurrente chez toutes les classes malgré leur diversité : des ordres d'étoiles de mer (comme les Brisingida), d'ophiures (comme les Euryalida), d'holothuries (Dendrochirotida) et même certains oursins (Dendraster excentricus[27], peut-être aussi Dermechinus horridus[28]) sont revenus à ce mode de vie primitif qui est celui des crinoïdes (et avant eux de groupes archaïques comme les Eocrinoidea), développant des convergences morphologiques (principalement de longs bras rétractiles ramifiés en fractales ciliées).
Dans les groupes carnivores actifs, la prédation intra-embranchement n'est pas rare : ainsi de nombreuses étoiles de mer se nourrissent principalement d'autres échinodermes, comme les Solaster[29]. Cette grande diversité en fait des animaux extrêmement importants dans les cycles biologiques marins, présents à tous les niveaux trophiques en grande abondance. Ainsi, leurs fluctuations de population sont susceptibles d'avoir des effets importants sur tout l'écosystème.
Respiration
La respiration est passive chez la plupart des échinodermes, et s'effectue le plus souvent à travers la peau, et notamment au niveau du système aquifère. Elle est aussi assurée en partie de manière directe par les podia chez les espèces qui en sont pourvues, mais les espèces massives ayant de gros besoins sont souvent pourvues d'organes respiratoires plus spécialisés : organes arborescents chez certains ordres d'holothuries, branchies chez certains oursins réguliers (Echinacea), papules respiratoires chez certaines étoiles de mer, bourses branchiales chez les ophiures[8].
Records
Le plus long échinoderme connu est sans conteste l'holothurie serpentiforme Synapta maculata, qui peut atteindre 3 m de long, pour seulement quelques centimètres de large (et un poids très limité, sa densité étant à peine supérieure à celle de l'eau)[30].
Les échinodermes les plus lourds atteignent 6 kg : ce poids a été mesuré chez certaines étoiles du genre Thromidia[31] et l'holothurie géante Thelenota anax[32].
Peu d'échinodermes sont dangereux pour les humains : on ne connaît qu'une ou deux étoiles de mer venimeuses (notamment Acanthaster planci), et quelques familles d'oursins (Diadematidae, Echinothuriidae et Toxopneustidae) : seule une espèce d'oursin semble pouvoir être occasionnellement mortelle pour l'Homme, l'oursin-fleur Toxopneustes pileolus[33].
Il est difficile d'établir l'espèce d'échinoderme la plus répandue à l'échelle mondiale, d'autant plus qu'il conviendrait de distinguer entre effectif (valorisant les espèces minuscules) et biomasse ; cependant l'ophiure Ophiactis savignyi, très généraliste et capable de se reproduire par voie asexuée, est signalée dans quasiment toutes les mers du globe[34]. Plus visible, l'échinoderme littoral le plus facilement rencontré est probablement l'oursin tropical Echinometra mathaei, extrêmement abondant de la Mer Rouge à Hawaï[35]. Cependant, plusieurs espèces abyssales ont sans doute une répartition et des effectifs encore plus importants, les surfaces exploitables étant très supérieures.
Enfin, on ne connaît à l'heure actuelle qu'une seule espèce pélagique, c'est-à-dire vivant en permanence dans la colonne d'eau sans jamais se poser sur le fond : l'énigmatique holothurie Pelagothuria natatrix[21]. En dehors de cette espèce très particulière, seule une poignée d'holothuries et de crinoïdes sont capables de nager.
Origine phylogénétique et registre paléontologique
Les échinodermes sont un groupe extrêmement ancien, et dont l'histoire évolutive est relativement bien documentée grâce à leur squelette calcaire très minéralisé, qui permet souvent une excellente fossilisation[36].
Les plus anciens fossiles attestés d'échinodermes remontent à -525 millions d'années (Cambrien inférieur)[4], mais d'autres fossiles leur ressemblant pourraient être plus vieux encore[5].
Les échinodermes dériveraient de formes à symétrie bilatérale, les hétérostèles. La symétrie pentaradiée semble ne pas s'être imposée immédiatement, une forme précambrienne d'Ediacara (Tribrachidium) est en effet triradiée, mais son appartenance aux échinodermes est très controversée ; les homalozoa du Cambrien semblent quant à eux bilatériens, mais leur inclusion parmi les échinodermes est elle aussi parfois remise en question, le groupe étant accusé par certains d'être paraphylétique[37]. Les plus anciens animaux à symétrie pentaradiée sont les Arkarua[5], trouvés à l'état de traces dans des sédiments de l'édiacarien (vers -560 millions d'années), mais leur squelette ne semble pas structuré par un stéréome, trait normalement caractéristique des échinodermes (et ne connaissant pas d'autre exception connue, contrairement à la symétrie pentaradiaire). Le taxon des carpoïdes (rangé dans le groupe des mitrales au sein des homalozoa) est lui aussi encore difficile à situer : il s'agit d'une forme étrange de l'Ordovicien que quelques scientifiques classent parmi les chordés primitifs[37].
Les formes certaines les plus anciennes sont des organismes sessiles suspensivores et comprennent les éocrinoïdes, les cystoïdes et les blastoïdes, qui furent très abondants au Paléozoïque mais disparurent respectivement au Silurien, au Carbonifère et lors de l'extinction Permien-Trias.
Tous les spécimens du Mésozoïque et du Cénozoïque font partie des cinq classes actuelles, mais le registre Paléozoïque contient des animaux appartenant à d'autres classes, éteintes (jusqu'à 15)[5],[36].
Plusieurs clades majeurs d'échinodermes sont ainsi complètement éteints : les homalozoa (animaux du Cambrien à symétrie bilatérale pourvus d'un bras unique appelé aulacophore), les Helicoplacoidea (échinodermes du Cambrien en forme de pelotes), les Cyclocystoidea (en forme de tambourins), les Edrioasteroidea (petits animaux sessiles étoilés), les Somasteroidea (premiers animaux mobiles en forme d'étoile), les Ophiocistioidea (sortes d'oursins sans piquants munis de longs bras), les Eocrinoidea (ressemblant aux cinoïdes mais sans tige différenciée), les blastoidea (en forme de noix pédonculée) ou encore les Cystoidea (en forme de massues pédonculées)[4]. Aucun de ces groupes n'a passé la crise Permien-Trias, qui mit fin à l'ère Paléozoïque[36].
Par la suite, les échinodermes survivants à cette crise ont cependant continué de laisser d'abondantes traces, en particulier les groupes des crinoïdes et des oursins, qui sont présents dès l'Ordovicien et abondants à partir du Carbonifère, et dont les corps durs permettent une excellente fossilisation (ce qui n'est pas le cas des holothuries, par exemple[38]). Au total 13 000espèces éteintes ont été identifiées (contre environ 7 000 vivantes aujourd'hui)[5].
Chronologie relative du registre fossile des principales classes d’échinodermes
L'un des plus anciens textes scientifiques concernant les échinodermes remonte à Aristote, dans son Histoire des animaux (vers -343) : il y décrit succinctement les étoiles de mer et plus longuement les oursins, et nomme un animal « holothurie » sans le décrire (il le rapproche des éponges car c'est un animal qui semble dépourvu de sens) ; ce nom sera conservé par la suite pour nommer les concombres de mer (classe holothuroidea). Le nom du philosophe sera quant à lui attribué à l'appareil masticateur des oursins, à travers une métaphore de son cru : la « lanterne d'Aristote »[39]. En Europe, Aristote demeure l'inspiration principale de la plupart des traités d'histoire naturelle de l'antiquité et du Moyen Âge, et Pline l'Ancien s'en inspire ouvertement quand il aborde les mollusques (au rang desquels il compte les échinodermes) au livre IX de son Histoire naturelle (vers 77)[40]. Ces deux auteurs demeureront les références majeures pendant plus d'un millénaire et demi, repris jusque chez
Les scientifiques européens recommencent à s'intéresser aux échinodermes à partir de la Renaissance, et en 1553 Pierre Belon est le premier à proposer des affinités entre holothuries, étoiles de mer et oursins[41]. En 1554, Guillaume Rondelet corrige et enrichit les descriptions antiques, et commence lui aussi à noter chez certains « zoophytes » ce plan d'organisation « en rose »[42].
Les véritables progrès arrivent avec le siècle des Lumières : en 1751 les oursins, les holothuries et les étoiles de mer ont leur article dans l'Encyclopédie, mais sont encore dispersés et classés parmi les mollusques, avec quelques hésitations[43]. En 1758, Carl von Linné énumère de nombreuses espèces dans son Systema naturae, les plaçant chacune dans un seul genre (Echinus, Holothuria, etc.), toujours parmi les mollusques. C'est Jacob Theodor Klein qui le premier avait eu l'idée, en 1734, de regrouper les oursins non plus parmi les mollusques mais avec les étoiles de mer, concombres de mer, ophiures et crinoïdes, sous l'appellation d'« échinodermes » (sur le critère du plan d'organisation pentaradié) ; mais il faudra attendre que ses travaux soient poursuivis par Nathanael Gottfried Leske (1778) puis systématisés par Jean-Guillaume Bruguière en 1791 pour que le clade des échinodermes soit définitivement incorporé aux classifications scientifiques. En 1801, ce groupe est encore rapproché par Lamarck des cnidaires qui partagent un plan d'organisation radiaire (il parle de « radiaires échinodermes »), classification qui perdurera jusqu'à Louis Agassiz (dans les années 1830), avant que les données embryologiques démontrent l'éloignement de ces groupes. Au début du XIXe siècle, de nombreux explorateurs scientifiques décrivent en quelques décennies des dizaines de nouvelles espèces, qui furent rapidement divisées en nouveaux genres, puis familles et ordres. Dans les années 1880 sont publiés les épais volumes du Report Of The Scientific Results of the Exploring Voyage of H.M.S. Challenger during the years 1873-76 qui suivit l'expédition du Challenger, et permit la description d'une énorme quantité de nouveaux taxons, notamment en eaux profondes. Les premiers travaux de phylogénie scientifique apparaissent à partir du milieu du siècle (avec Louis Agassiz et Edouard Desor pour les oursins). Sous l'impulsion de Mortensen entre 1928 et 1951 (Monograph of Echinoidea), les critères squelettiques commencent à être préférés pour la classification des échinodermes (se fondant sur les plaques chez les étoiles de mer et ophiures, et les spicules chez les holothuries), permettant de réunir les classifications fossile et naturaliste[44]. En plus de Mortensen, plusieurs importantes monographies auront ainsi marqué la première moitié du XXe siècle, comme la Monograph of the Existing Crinoidea d'Austin H. Clark (à partir de 1915), ou encore les Starfish Monographs de Walter K. Fisher (1906-1940)[45].
La science des échinodermes est devenue un champ d'études consacré en 1963, avec l'organisation à Washington du premier Symposium on Physiology of Echinodermata (à l'origine une émanation du 16eInternational Congress of Zoology). À partir de 1968, la communauté des biologistes travaillant sur les échinodermes est fédérée par The Echinoderm Newsletter[46], à défaut d'une revue dédiée (contrairement à la plupart des autres embranchements du vivant), suivie par Echinoderm Studies de 1983 à 2001, puis le SPC Beche-de-mer Information Bulletin à partir de 1990 (plus spécialement consacré aux holothuries). Des publications ponctuelles semi-régulières permettent cependant de constituer des pierres de touche dans le progrès de la recherche, comme Echinoderms, Echinoderm Nutrition, ou Edible Sea Urchins[47]. En 1999, The Echinoid Directory est le premier site internet contenant une base de données de référence tenue à jour par des spécialistes, permettant notamment une homogénéisation de la taxinomie ; cette base de données est intégrée en 2008 au World Register of Marine Species, regroupant tous les échinodermes (et tous les autres règnes du vivant marin), qui constitue toujours la base de données en ligne de référence[47].
On connaît à l'heure actuelle environ 7 000 espèces vivantes d'échinodermes. Le groupe le plus diversifié est celui des ophiures avec près de 2 100 espèces, devant les étoiles de mer (autour de 1 900 espèces), puis les holothuries (1 250 espèces environ), les oursins (950 espèces) et les crinoïdes (600 espèces)[48]. Cependant, ce sont les oursins qui ont la plus grande diversité phylogénétique avec 16 ordres actuels (et plus de 70 familles, qui sont autant de plans d'organisation originaux), devant les étoiles (8 ordres), les holothuries (7), les ophiures (6 ordres) et les crinoïdes (4 ordres)[49].
Environ un millier d'espèces sont observables à l'œil nu dans le monde (1 454 espèces recensées sur le site collaboratif iNaturalist[50]), les autres étant au choix minuscules, cryptiques ou abyssales, ou vivant dans des zones inaccessibles.
Les types d'organisation présentés ici sont des grades évolutifs ne correspondant généralement pas à des groupes monophylétiques, mais paraphylétiques (ne comportant pas tous les descendants d'un même ancêtre — exemple : les descendants d'ancêtres vermiformes ne sont pas tous aujourd'hui des vers, etc.).
Animaux exclusivement marins et sans tête différenciée, les échinodermes constituent un groupe biologique faiblement représenté dans la culture occidentale, car peu anthropomorphiques. Ils figurent cependant (avec une rigueur scientifique et orthographique limitée) dans le célèbre roman sous-marin de Jules Verne, Vingt mille lieues sous les mers : « Dans les échinodermes, remarquables par leur enveloppe épineuse, les astéries, les étoiles de mer, les pantacrines, les comatules, les astérophons, les oursins, les holoturies, etc., représentaient la collection complète des individus de ce groupe. »
Le chanteur français Gérard Manset a également composé une Ballade des échinodermes, sortie en 1994[56].
Les échinodermes sont aussi une source d'inspiration pour le biomimétisme et la science des biomatériaux[57].
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